Introduction : un choix stratégique dès le départ
Derrière la vitrine d’un commerce se cache une question cruciale : sous quelle forme juridique vais-je l’exploiter ?
Le statut choisi détermine :
- le niveau de responsabilité personnelle de l’entrepreneur,
- le régime fiscal (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés),
- le statut social du dirigeant (travailleur indépendant ou assimilé-salarié),
- la capacité à accueillir des associés ou investisseurs.
Un mauvais choix peut coûter cher. Comme le rappelle un avocat spécialisé en transmission d’entreprise :
« Beaucoup de repreneurs se précipitent vers l’EURL ou la SASU sans mesurer l’impact social et fiscal. Corriger après coup est possible mais coûteux. »
1. L’entreprise individuelle (EI)
Points clés
- Simplicité administrative : pas de création de société.
- Responsabilité : depuis 2022, le patrimoine personnel est protégé (séparation automatique avec patrimoine professionnel).
- Fiscalité : impôt sur le revenu (IR), avec possibilité d’option pour l’IS.
Pour qui ?
Repreneurs seuls, commerces de petite taille ou activités de services.
Exemple : reprise d’un petit salon de coiffure avec 1 salarié. L’EI permet de limiter les frais administratifs et d’agir rapidement.
2. L’EURL (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)
Points clés
- Société unipersonnelle (une seule personne).
- Dirigeant = gérant travailleur non-salarié (TNS).
- Fiscalité : par défaut IR, option possible pour IS.
Avantages
- Encadrement clair, fonctionnement stable.
- Cotisations sociales moins élevées que pour les dirigeants assimilés-salariés.
Limites
- Protection sociale plus faible que dans une SASU.
3. La SARL (Société à responsabilité limitée)
Points clés
- De 2 à 100 associés.
- Fonctionnement encadré par la loi, donc sécurisant.
- Gérant majoritaire = TNS ; gérant minoritaire = assimilé-salarié.
Pour qui ?
Idéal pour une reprise familiale (époux, enfants, associés proches).
Témoignage – Alain, repreneur d’une boulangerie avec son épouse :
« On a choisi la SARL pour être co-gérants. Les règles sont claires, et on partage les charges sociales de façon équilibrée. »
4. La SASU (Société par actions simplifiée unipersonnelle)
Points clés
- Une seule personne (président).
- Dirigeant = assimilé-salarié (cotisations sociales plus élevées mais meilleure protection).
- Fiscalité : IS (option IR possible pour 5 ans).
Avantages
- Souplesse dans le fonctionnement.
- Bonne image vis-à-vis des banques et investisseurs.
- Protection sociale proche des salariés.
Limites
- Charges sociales plus lourdes (environ 65 % de la rémunération nette, contre 45 % pour un TNS).
5. La SAS (Société par actions simplifiée)
Points clés
- De 2 associés minimum.
- Statuts très flexibles (répartition des pouvoirs, droits de vote, clauses de sortie).
- Idéale pour accueillir des investisseurs.
Pour qui ?
Reprises de taille moyenne ou importante, commerces avec ambition de croissance (franchise, multi-points de vente).
Exemple : un couple reprend 3 supérettes avec un associé investisseur. La SAS permet de fixer des clauses de répartition des bénéfices adaptées.
6. EI, EURL, SARL, SASU ou SAS : le comparatif rapide
| Statut | Nombre d’associés | Régime social dirigeant | Fiscalité | Avantages | Limites |
|---|---|---|---|---|---|
| EI | 1 | TNS | IR (option IS) | Simplicité, patrimoine protégé | Moins crédible pour investisseurs |
| EURL | 1 | TNS | IR (option IS) | Charges sociales plus basses | Protection sociale limitée |
| SARL | 2 à 100 | Gérant majoritaire = TNS | IR (option IS) | Sécurisante, adaptée au familial | Peu flexible |
| SASU | 1 | Assimilé-salarié | IS (option IR) | Protection sociale forte, image moderne | Charges sociales élevées |
| SAS | 2+ | Assimilé-salarié | IS | Très flexible, accueil d’investisseurs | Complexité statutaire |
7. Les critères pour décider
- Taille du commerce : petite activité = EI/EURL, projet ambitieux = SAS.
- Nombre d’associés : seul = EI/SASU/EURL, en famille = SARL, avec investisseurs = SAS.
- Besoin de protection sociale : SASU/SAS.
- Optimisation charges sociales : EURL/SARL (TNS).
- Image auprès des partenaires financiers : SASU/SAS perçues comme plus « modernes ».
8. Erreurs fréquentes
- Choisir un statut parce qu’« un ami l’a fait » sans analyser sa propre situation.
- Oublier d’anticiper l’arrivée éventuelle d’associés (difficile de passer d’une SARL à une SAS sans coûts).
- Négliger l’impact sur la rémunération nette du dirigeant.
Encadré chiffres clés
- En 2024, plus de 60 % des créations et reprises de commerces se font en SASU/SAS (source Insee).
- La SARL reste le deuxième statut le plus choisi, notamment dans l’artisanat et le commerce familial.
- La transformation d’une SARL en SAS coûte en moyenne 2 000 à 4 000 € (honoraires + formalités).
Conclusion : anticiper l’avenir
Le choix du statut juridique n’est pas qu’une formalité : c’est un levier stratégique qui impacte la rémunération, la fiscalité et la gouvernance future.
Un conseil revient souvent : prenez un rendez-vous croisé avec un avocat et un expert-comptable avant de décider. Mieux vaut investir 500 € en conseils que de perdre plusieurs milliers en charges sociales ou en restructuration.
En résumé : choisissez une structure adaptée non seulement à votre reprise, mais aussi à vos ambitions dans 3 à 5 ans.