FICHE CONSEIL CIE :

Diagnostic de l’entreprise à reprendre

Fiches conseils - Diagnostic de l’entreprise à reprendre

Publié le mercredi 10 septembre 2025

Introduction : la reprise ne se fait pas « à l’aveugle »

Reprendre un commerce ne consiste pas seulement à en apprécier la vitrine et le flux de clients. C’est avant tout une opération d’audit complet. Comme le rappelle un conseiller de la Chambre de Commerce de Lyon :

« La moitié des repreneurs découvrent des problèmes de trésorerie ou de bail après la signature. Un diagnostic rigoureux doit précéder toute offre. »

Un diagnostic bien mené s’articule autour de quatre axes : financier, social, opérationnel et légal.


1. Le diagnostic financier : la colonne vertébrale

Le repreneur doit comprendre la santé réelle de l’entreprise au-delà des chiffres présentés par le cédant.

Points clés à analyser

  • Chiffre d’affaires : évolution sur 3 à 5 ans, saisonnalité, impact des crises (Covid, inflation, concurrence e-commerce).
  • Marge brute : indicateur vital dans le commerce. Selon l’INSEE, elle varie en moyenne de 30 % dans l’alimentaire spécialisé à 55 % dans le prêt-à-porter【web】.
  • Résultat d’exploitation : retraiter les charges exceptionnelles, évaluer la rentabilité « normale ».
  • Besoin en fonds de roulement (BFR) : certains commerces exigent un stock important qui mobilise la trésorerie.
  • Dettes et crédits en cours : fournisseurs, banques, fisc, Urssaf.

Exemple concret

Une épicerie bio présentant 400 000 € de CA affichait une marge brute de 25 %. En réalité, le coût des achats avait explosé avec l’inflation alimentaire. Sans répercussion immédiate sur les prix, la rentabilité était menacée : le repreneur a renégocié avec les fournisseurs avant de finaliser l’achat.


2. Le diagnostic social : l’humain au cœur du commerce

Derrière les chiffres, il y a une équipe. Ignorer le facteur social peut mener à des conflits ou à des démissions massives après la reprise.

Points à vérifier

  • Contrats de travail : type (CDI, CDD, apprentissage), ancienneté, clauses particulières.
  • Climat social : turn-over, absentéisme, conflits en cours.
  • Compétences clés : un chef cuisinier dans un restaurant ou un vendeur expérimenté en bijouterie peuvent représenter une part significative de la valeur.
  • Charges sociales : vérification des déclarations et paiements.

Témoignage – Sophie, repreneuse d’un salon de coiffure à Bordeaux :
« J’ai découvert après coup qu’une salariée clé partait en congé maternité long. Résultat : une baisse de CA de 20 % les six premiers mois. J’aurais dû l’anticiper. »


3. Le diagnostic opérationnel : outils, stocks et fournisseurs

Le commerce repose sur des éléments tangibles : locaux, matériel, stocks, fournisseurs.

Locaux et matériel

  • État du point de vente (électricité, plomberie, accessibilité handicapés).
  • Matériel : obsolescence, maintenance, mises aux normes.

Stock

  • Inventaire contradictoire à la signature.
  • Valeur du stock : attention aux invendus ou produits périmés.
  • Rotation : un stock qui dort est un capital immobilisé. Dans le prêt-à-porter, une rotation inférieure à 2/an est un signal d’alerte.

Fournisseurs

  • Dépendance à quelques acteurs (risque de monopole).
  • Conditions négociées (délais de paiement, remises, franco de port).
  • Relations personnelles à maintenir : certains fournisseurs suivent le cédant, pas toujours le repreneur.

Le commerce repose sur un socle légal qui peut être source d’opportunités… ou de blocages.

Le bail commercial

  • Durée classique : 9 ans (résiliation possible tous les 3 ans par le locataire).
  • Clauses à examiner : indexation, répartition des charges, destination des locaux.
  • Droit au renouvellement : essentiel pour sécuriser l’avenir.
    Un bail mal rédigé ou trop contraignant peut réduire la valeur du fonds de commerce de 20 à 30 %.

Autres obligations

  • Licences et autorisations (ex. débit de boissons, restauration, pharmacie).
  • Litiges en cours (prud’hommes, fournisseurs, fisc).
  • Assurances professionnelles.

5. Les outils pour réussir son diagnostic

  • Expert-comptable : vérification des bilans, retraitement des charges, simulation du seuil de rentabilité.
  • Avocat spécialisé : audit des contrats, baux, licences, litiges.
  • CCI / CMA : accompagnement méthodologique, données locales.
  • Banque : validation de la capacité d’endettement.

Encadré chiffres clés

  • 30 % des échecs de reprise sont liés à une mauvaise anticipation de la trésorerie (Banque de France).
  • Dans le commerce de détail, le taux moyen de marge brute oscille entre 30 % et 60 % selon le secteur (INSEE).
  • Le coût moyen d’un inventaire contradictoire est de 2 000 à 3 000 € pour une boutique de taille moyenne (source : cabinets spécialisés).

Encadré « Témoignage »

« Lors de ma première reprise, je n’ai pas vérifié le bail : il interdisait l’installation d’une terrasse. J’avais pourtant basé mon business plan dessus. Résultat : 15 % de CA potentiel perdu. Depuis, je ne signe plus sans un avocat. » — Jean-Luc, repreneur de café-brasserie à Toulouse.


Conclusion : un investissement en temps qui sauve de l’argent

Le diagnostic d’une entreprise à reprendre est un investissement en temps, en argent et en accompagnement. Un repreneur qui consacre 3 mois à auditer une affaire sécurise ses 10 prochaines années.
Les experts sont unanimes : un diagnostic solide permet souvent de négocier le prix à la baisse, de prévoir les besoins réels en trésorerie et d’éviter des mauvaises surprises juridiques.

En résumé : ne signez jamais avant d’avoir fait passer l’entreprise au scanner.